Lisez ici le texte vision de Willem Elias à propos de Filoxenia

"Dans le texte où après une longue période de doute, nous avons enfin trouvé un titre pour l'exposition de Colin Waeghe à Destelheide, « Filoxenia » a librement été traduit par « Bienvenue ». Cependant, il y a déjà trop de cafés en Flandre qui portent ce nom - en particulier les locaux des colombophiles - pour garder cette traduction. Ce mot est également affiché sur trop de panneaux dans une région où on l'utilise comme un cliché pour ne rien dire, tout simplement par politesse. Définition étrange, mais correcte, de « politesse » : ne rien dire.

Le titre - et c'est pourquoi il a fallu tant de temps pour le trouver - devrait en un mot, non seulement synthétiser les caractéristiques de 10 ans de peinture de Colin, mais aussi être un phare devant la porte de Destelheide comprenant le message : que vient faire exactement cette exposition ici ? On dit « Bienvenue » à tout le monde, même à ceux à qui on préfère dire « Au revoir ».

Filoxenia a plus à offrir. Le grec ancien est la langue la plus riche que je connaisse. Le « filos » est le même que celui qu’on utilise dans la « philosophie ». Avant que Platon n'en fasse « l’amour de la connaissance » plutôt neutre, Pythagore l'avait utilisé pour la première fois avec une forte orientation éthique. Selon lui, « filos » signifie être un ami, un lien mutuel pour mieux vivre ensemble. Gardons cette signification dans notre cas.

Puis il y a « xenia » provenant de « xenos », ce qui signifie « étranger ». La combinaison la plus courante avec ce mot est « xénophobie », ce qui est le contraire de « filoxenia », la peur des étrangers. Là encore, les philosophes nous aident. Derrida nous fait remarquer que dans Le Sophiste, un dialogue de Platon, Socrate se rend compte, au cours de sa conversation avec un étranger, qu'il est lui-même un étranger. Tout le monde est différent des autres. 

C'est exactement pour cela que nous devons garder l'étranger comme ami, parce qu'il est l'autre en nous.

Et c'est cette ligne que l'on retrouve dans les œuvres de Colin Waeghe. En regardant les mondes, Colin Waeghe se sent étranger à leur égard, car en tant qu'artiste, il a l'œil pour voir les choses dans leur altérité. Mais un œil n’est pas capable de peindre sur la toile. Il a également l'intelligence manuelle pour transformer cela en sa propre forme. Et ces formes nous font réfléchir, sur l'autre et sur nous-mêmes. Bienvenue ! "

(Willem Elias, conservateur)

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